Quelqu'un peut te donner confiance en toi, mais au final c'est à toi de la prendre...
Découverte [TED Talk] : "Every Kid needs a champion" - Rita Pierson
Je m’appelle Raphaël Thobie. Il m’appelait “Thob” en pleine classe 🍆
“il”, c’était M. Boudraa, mon prof de SVT une fois au collège et une fois au lycée.
Contrairement à la Philo, j’ose mettre son nom en entier, parce que je lui dois beaucoup. J’appréciais énormément ce prof, dans sa façon d’enseigner mais aussi dans son attitude : il sortait du lot.
Il pouvait être complètement amical en début de cours et impitoyable en avançant dans l’heure.
Il avait compris depuis longtemps que nous crier dessus ne faisait absolument pas arrêter les bavardages, il était donc devenu expert en “lancer de bout de craie” juste à coté de sa cible pour nous faire réagir.
Mais surtout, si tu bossais, il avait toujours un moment privilégié avec toi.
Au collège, nous avions visité une station d’épuration, et il fallait faire un compte-rendu dessus. Cette visite était liée à son cours de SVT. Je me suis mis à fond dans ce devoir et j’étais plutôt fier de ce que j’avais fait.
Quelques temps après l’avoir rendu, il me dit à la fin du cours où il nous avait rendu les copies :
“Raphaël, viens me voir”.
Pétrifié, j’arrive à son bureau, les autres élèves sont partis 🥶
“Raphaël, deux choses :
1/ Pourquoi cette encre turquoise, j’ai du relire 4x pour tout comprendre, (Aujourd’hui encore je ne sais pas ce qui m’a pris d’écrire à l’encre turquoise : c’est moche, on arrive pas à relire et je déteste cette couleur : encore une fois où j’avais essayé d’être hype, en me plantant…)
2/ Tu décris mais tu n’interprètes pas ! Alors c’est très bien décrit, on comprend tout à fait ce que fait la station d’épuration, mais pourquoi ? de tous les éléments que tu as vus, quelles sont tes analyses, quelles sont tes conclusions ??? Là tu fais juste des approximations !”
Moi, évidemment très sûr de moi, je lui réponds :
“Euuuuuuhhhhhhh…. Bah je veux bien interpréter, mais si je me trompe ? Moi j’avais compris que l’exercice était juste de raconter ce que j‘avais vu, pas d’en tirer des leçons…”
Il continue :
“Il n’y avait pas spécialement de but à l’exercice : si je ne vous dis pas qu’à la fin d’une visite, je vous demande un devoir, personne n’écoute. Mais j’attends plus de toi. Tu as les moyens d’en faire plus, mais tu ne t’affirmes pas. Interprète, trompe-toi et ré-interprète. Même pour moi : si tu n’affirmes pas ce que tu conclues en m’expliquant comment tu en es arrivé là, comment je peux savoir si tu as compris ou non ? Sois sûr de toi pour affirmer, et humble pour te corriger.”
Bon… Cette dernière phrase il ne l’a pas dite, mais en m’en souvenant pour t’écrire cet article, c’est ce qui m’est arrivé en tête 💭
Plus tard, au lycée cette fois, de nouveau dans sa classe de SVT, les choses étaient plus compliquées
Ce n’était pas une bonne année pour moi, en plus j’avais d’autres centres d’intérêts si tu vois ce que je veux dire, mais j’avais toujours le même problème, ce manque d’affirmation. Là il ne m’a rien dit de plus, mais j’ai interprété :
Quand je pouvais ne pas être attentif en cours, que je parlais à mes potes, ou que je dormais … Il criait une partie de mon nom de famille : “Thob !!!! Tu fais quoi là ???” 😡
Assez humiliant de te faire appeler Thob, quand tu as entre 16 et 18 ans, tu en conviens. Donc c’était efficace. Mais je le vivais plutôt mal.
Un jour, il recommence, sans rien derrière, juste un “Thob” scandé à travers la classe. Quelques rires étouffés, je lève la tête et je réponds sur le même volume sonore : “Ouais Boud’ ?”
C’était nul, niveau de répartie très insignifiant. Encore, j’aurais dit “Boud’Gras”, pour faire un jeu de mot avec son nom, t’aurais pu me mettre la moyenne, là, juste Boud’ = très moyen.
Mais il a souri, à peine 2 secondes, en me regardant dans les yeux, juste avant de s’excuser et de me dire “Ok on arrête avec les noms”.
Je n’ai strictement aucune idée de ce que cachait ce sourire, mais voilà comment je l’ai interprété cette fois-ci :
je m’affirmais. Je ne me laissais pas faire si je n’aimais pas la situation que l’on m’imposait. Je prenais une décision. Et ça lui avait plu. C’était différent de la SVT, qui se basait sur des faits scientifiques, mais c’était ce qu’il attendait.
Enfin, je crois, puisque je n’en ai jamais parlé avec lui, et que 5 min plus tard, on était passé à autre chose et j’esquivais ses craies.
Les relations te donnent confiance
Alors même si je n’ai pas envie de te faire le discours puant la bienséance et le consensuel de “les profs sont nos seconds parents et peuvent nous aider à réussir”, je suis tout de même obliger de reconnaître que je le pense.
Tu n’apprends rien des gens que tu n’aimes pas, surtout enfant et adolescent.
Tu te souviens de ma prof de philo ? Il y avait aussi ma prof de Maths de Terminale, qui à l’annonce des résultats du bac m’avait dit “ah tu l’as toi ? Non mais parce que y’en a pour qui on est moins sûr que d’autres hein”.
Phrase vraie, mais pas convaincu que c’est la première phrase que tu dis à un élève qui a réussi son bac, avec 15 coeff 9 en maths parce que c’était ma spécialité , alors qu’en première, je finissais avec 6 de moyenne générale et menace du lycée de me renvoyer si je ne me ressaisissais pas (instant victimaire / starification complètement assumé).
Autant te dire que d’elle, je ne me souviens que de cette phrase : pas un seul de ses cours ou de nos interactions.
Je te parle souvent de mes jeunes années, collège, lycée, pas parce que ce sont les meilleures de ma vie en tout point, mais parce que je suis persuadé que ce sont elles qui ont construites la personne que je suis aujourd’hui, avec mes forces et mes faiblesses, mes manques d’assurance ou mes fiertés.
On nait tou.te.s dans un environnement qui va déterminer notre existence en grande partie : lieu de naissance, couleur de peau, religion, milieu social, patrimoine génétique, attitude parentale…
Et seule l’école peut corriger les imperfections assez tôt si la direction pré-établie n’est pas la meilleure pour nous.
Et il nous faut parfois des images fortes de professeur.e.s dédié.e.s à leurs carrières, à leurs missions de vie, pour réussir à nous élever.
Même si ça passe parfois par de la simulation : Faire croire qu’on voit plus dans un élève que ce qu’il est réellement capable de faire à un instant T, lui faire croire qu’il a des compétences qui vont au-delà de ce qu’il pense de lui-même. Et échanger avec lui 5 min en plus du cours une fois de temps en temps pour lui en faire part.
C’est exactement ce dont ce TED Talk parle : comment donner du temps, de l’écoute sincère et de la motivation pour permettre à un enfant de croire en lui. ça ne veut pas dire qu’un prof DOIT aimer tous ses élèves pareil, ça ne veut pas dire que la vie d’un.e prof est facile et que c’est quand même la moindre des choses qu’il.elle fasse ça. Ça veut juste dire que parfois, en quelques minutes, on peut changer la perception plutôt négative qu’un enfant a de lui-même pour le reste de sa vie.
Finalement la manière d’énoncer le problème peut clairement en être la solution.
Plus tard, j’ai fait “semblant” d’avoir confiance en moi avec les filles quand j’avais la 20aine, jusqu’à en avoir suffisamment pour ne plus faire semblant, j’ai fait semblant d’être sûr de d’être la bonne personne avec les bonnes compétences dans mon job pour finalement ne plus avoir à faire semblant car mes “promotions” rendaient compte de ce résultat réel.
Plus tu te répètes quelque chose, plus tu y crois, seulement ça commence souvent par une personne qui le dit pour toi. Moi c’était M. Boudraa.
Quels messages retirer de cette vidéo
Elle dure 7:36, je pense que tu peux la mater à ta pause dej’ ou ce soir en rentrant chez toi si tu ne bosses pas de la maison, ça met un vrai coup de boost ☄️
Cependant, je sais que tu ne cliques pas souvent sur les liens que je te mets (je vois tout je t’ai dit !), donc au cas où, voici ce qu’il y a à emporter concernant cette prof avec 40 ans d’éducation derrière elle :
🤝 L’importance des relations pour apprendre : chercher à comprendre l’autre plus que de chercher à être compris. Ou savoir s’excuser quand on se trompe, même en tant que professeur.
🌙 Motiver en valorisant l’existant et en fixant un objectif ambitieux mais atteignable : Mettre en avant les qualités actuelles et le bon comportement des élèves pour établir une base, et montrer jusqu’où on peut aller avec eux car ils le méritent. A force de se répéter qu’on en vaut la peine, on finit par le croire.
💔 Il est impossible d’aimer tous ses élèves : surtout les plus durs. Mais les plus durs sont toujours là, parce qu’ils ne cherchent que le relationnel. Alors on peut ne pas les aimer, mais on ne doit pas leur montrer.
🥇 Chaque enfant mérite un champion : un adulte qui lui montre qui ne l’abandonnera pas, un adulte avec qui il peut avoir une relation sincère, un adulte qui insiste pour qu’il devienne le meilleur possible. Un adulte ou plusieurs d’ailleurs.
A 23 secondes de la fin de la vidéo, Sir Ken Robinson opine du chef. Cette scène me fout littéralement les poils, déjà parce que ce grand monsieur nous a quitté il y a peu, et ensuite parce que si tu n’as pas vu son Talk à lui, sur l’éducation, et si ce sujet te touche comme moi : stp, réserves 20 min dans ton weekend pour regarder son TED Talk, qui n’est autre que le TED Talk le plus vu de tous les temps.
Excellent WE, bonne prépa de Noël, et je l’annonce maintenant : la semaine prochaine sera incomplète car ce sont les fêtes, mais je vais revenir vers toi avec un léger questionnaire pour savoir ce que tu penses du format actuel de DansMaZone, et ce que tu penses qu’il pourrait devenir en 2021.
Ciao ✌🏻