4,5/20.
C’est ma première note de philo, en 1ère 📋🖋
Pourtant, à cette époque, je n’avais jamais autant travaillé sur un devoir maison : tout un WE à me triturer le cerveau. Je ne me rappelle hélas plus du sujet, mais j’avais vraiment mis beaucoup de passion dedans, certainement maladroite, mais quelle passion est raisonnée ? (BIM ! Franchement, rien que cette phrase, ça vaut au moins 6 nan ?)
C’était le début d’année, nous n’avions pas encore abordé le moindre auteur dans mes souvenirs, il était juste question de s’entrainer à philosopher.
3 brouillons, 1 copie double et 2 cartouches d’encre plus tard, je rendais mon devoir, assez fier.
La semaine suivante, au tour de la professeure de rendre les copies, Mme M. (pire souvenir de prof de ma vie, mais Clotilde m’a dit de ne pas ruminer …) me donne ma feuille en annonçant : « Raphaël, quatre et demi, c’est confus, on ne voit pas où vous voulez en venir, et puis il y a beaucoup trop d’appositions, ce qui exprime clairement votre pensée dispersée et incertaine. »
Si tu ne te rappelles plus tes lointains cours de français : l’apposition est le principe de mettre une partie explicative entre virgules pour expliquer le sujet dont tu es en train de parler… Léger l’argument pour me mettre 4,5.
Bon, honnêtement, je ne peux pas lui donner tort.
Si j’avais gardé cette copie et que je la relisais aujourd’hui, je sens que ça ressemblerait à du Van Damme : il y a certainement un truc au fond, mais la forme est beaucoup trop à côté de la plaque 🤨
Cependant, ce que je peux lui reprocher avec le recul, ce n’est pas le résultat, c’est la méthode : en France, on commençait (je ne sais pas si ça a changé ?) la philosophie seulement en première. Aucune exploration avant. Et là, à 17 piges, on te lâche devant Descartes, Spinoza, Hegel, Schopenhauer, comme ça, sans bouclier, alors que ça tire à balles réelles…
Depuis, j’ai vu d’autres initiatives, notamment celle de Frédéric Lenoir, qui consiste à se déplacer dans des classes de maternelles ou de primaires pour aborder les questions de fond (la mort, la vie, le bonheur, etc...). Quelques exemples ici, c’est très drôle. ça pose aussi beaucoup de questions sur notre conditionnement environnemental, culturel et familial dès l’enfance...
Mais ça, c’est aujourd’hui.
A mon époque, je le répète, tu arrivais sans rien, en première, et on te parlait de darons qui ont passé leur vie à étudier ces questions.
Alors ton cours de Philo, tu le foires... Enfin sauf si tu cites les manuels et les auteurs par cœur, mais on a dit qu’on ne parlait pas du premier rang (et du fait que je sois aigri).
Quand Mme. M. nous remet ces premières copies, je me rends compte qu’avec mon pote Max (dédicace à toi, « ma piloute », qui lit tous les jours cette newsletter aux .... Qui me lit tous les jours point), on a à peu près la même note.
Notre réaction ?
Se remobiliser, bosser à mort sur ces textes que l’on ne comprend pas du premier coup, on se réunit l’un chez l’autre, on s’interroge, on essaie de philosopher, avec un verre de vin sur les quais du canal Saint Martin à Paris en rejetant la tête en arrière et en invoquant Saint Robin Williams....
……
Enfin si, on allait chez lui, mais pour jouer à SoulCalibur ⚔️
Ce premier « rejet », qui s’est empiré avec la tentative d’enseignement stricte et ultra scolaire de Mme. M. a plutôt eu l’effet inverse : on s’est complètement déconnecté tous les deux. On dessinait, découpait et construisait des tipis d’indiens en papier pendant ses cours avec ses polycopiés (oui on disait polycopié avant, tu vas faire quoi ?)
A un tel point que, au conseil de classe du second trimestre, nous n’avions même plus 0, mais juste plus de notes. Il y avait un blanc sur nos bulletins au niveau de la ligne “philosophie”. Et Mme M. disait ne pas nous connaitre.
J’ai fini par avoir 7/20 au bac. Ma meilleure note en philo de toute ma vie 🙌🏼
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La pédagogie, la base de la philosophie
J’ai beaucoup regretté de n’avoir rien suivi à ces cours... Parce que je sentais que j’aimais ça, mais que je ne comprenais pas .... Alors adulte, j’ai acheté L’Éthique de Spinoza, j’ai acheté Critique de la raison pure de Kant, ou encore Le monde comme volonté et comme représentation de Schopenhauer.
Et à part ce dernier qui m’a donné envie de me suicider, je n’en ai fini aucun. Pire, je me suis arrêté au bout de quelques pages complètement largué.
Je pense que tu ne peux pas apprendre la philosophie seul.e : c’est un travail d’échanges, de lectures ou d’écoutes de celles.ceux qui l’ont étudié et qui la restitue différemment.
Et encore une fois, après Science Étonnante : c’est un travail de vulgarisation qui te fait rentrer complètement dedans.
Toute matière, tout enseignement demande un énorme effort de pédagogie,
mais je trouve que c’est encore plus vrai pour la philosophie étant donnée son importance :
C’est elle qui est censée t’apprendre à réfléchir, à te questionner, à choisir ton éthique et ta morale : à te constituer en tant que personne. Au final, tu fais inconsciemment ou non de la philosophie pour toi-même, ça vaut le coût d’avoir quelques clés de lecture…
Aujourd’hui, je te partage ma chaîne YouTube préférée. Je l’ai saignée complètement, tous les épisodes, plusieurs fois ! 💉
Charles, le créateur de la chaine, a un talent dingue, qui se décline en plusieurs saveurs :
L’art de savoir parler clairement et de rythmer son discours : il est extrêmement agréable à écouter.
L’art d’actualiser : pour te parler séparation du corps et de l’esprit, il te parle de l’effet du Cannabis, pour la dialectique, il utilise le rap ou la crise de l’adolescence…
L’art de synthétiser : dans une seule vidéo de 22 à 43 minutes, il te fait découvrir tout un auteur ou une partie essentielle de son œuvre et t’apprend à l’apprécier, au point de te donner envie de le lire.
Et ce que je trouve excellent par dessus tout, c’est qu’évidemment tous ces philosophes ne sont pas d’accords entre eux, mais Charles prend complètement le parti du philosophe qu’il décrit à chaque fois.
A la fin de la vidéo, tu te demandes vraiment si tu n’es pas convaincu.e : tu te poses des questions sur ta propre vision du monde, tu fais le point sur ceux que tu as déjà entendu, tu cherches des exemples concrets dans ta vie de tous les jours, tu confrontes ce que tu penses à ce que tu viens d’entendre.... Bref, tu philosophes.
Mes épisodes favoris :
Le rituel : voici mes trois épisodes préférés, et c’est la première fois que c’est aussi difficile pour moi de choisir. Prends le temps d’en écouter au moins un, je te garantis que tu ne perdras pas ton temps.
💪🏼 Nietzsche, La morale d’esclave : Toi aussi tu le connais avec la célèbre phrase : « ce qui ne te tue pas te rend plus fort » ? Merci Hollywood. Il a toute une vision du monde autour de ce principe : pour lui, la morale a été inventée par les faibles pour limiter la puissance des forts, c’est ce que l’on appelle le nihilisme. A aucun moment pour lui il n’est question que les forts exploitent les faibles, mais il dit que c’est de donner libre cours à cette puissance chez le fort qui mène à l’accomplissement, l’épanouissement et donc au bonheur.
👨🏽💻 Marx, l’aliénation : tu savais qu’avant d’être désigné comme un politique, Marx est avant tout un économiste ? Et tu savais qu’avant d’être un économiste, Marx est un philosophe ? Moi je ne savais pas. Pour Marx, ce n’est pas notre conscience qui détermine notre être, mais notre être social qui détermine notre conscience. Dans cet épisode, Charles explique sa thèse fondamentale : la lutte des classes et l’aliénation de la population. Et il aborde un sujet très complexe : la volonté potentielle d’être aliéné.
🔮 Spinoza, le libre arbitre n’est-il qu’une illusion ? Spinoza est devenu mon philosophe préféré. 1. Déjà grâce à cette vidéo : sa thèse part du principe que le libre arbitre n’existe pas : toute action est le résultat d’un ensemble de causes et d’émotions qui lui précèdent et que nous ne maitrisons pas, il est sans le savoir le père de l’économie comportementale. Si tu veux cet épisode en accéléré, tu écoutes Le Mérovingien (Oui, c’est la 3ème fois que je cite Matrix dans cette newsletter, d’où l’urgence que tu re-regardes la trilogie rapidement). 2. Et ensuite car Spinoza était fortement en désaccord avec les dogmes de la religion au point de se faire excommunier de sa communauté juive. Tout en étant une personne très spirituelle et croyante. J’aime cette apparente contradiction.
Charles, qui est prof de philo en vrai, et le prof dont j’aurais rêvé à 17 ans, aurait su comment me parler, surtout si tu écoutes ce bonus où il parle de Booba.
(Voilààààààà, multi-appositions à la suite, et alors ?????)
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Je te dis à demain, d’ici là, demandes-toi quel est le but de l’existence. Mais pas avant de dormir 👋🏼